L’histoire du projet Arrow n’est pas seulement celle d’un avion. C’est une aventure technologique et un rêve national qui a propulsé le Canada dans la course aéronautique mondiale avant de s’écraser brutalement, laissant derrière lui des regrets, des spéculations et une légende qui perdure encore aujourd’hui. Mais avant d’entrer dans le vif du sujet, prenons un moment pour comprendre ce qui a poussé un pays si pacifique à construire des avions de chasse.
Une petite nation avec de grands rêves
Dans les années qui suivirent la Seconde Guerre mondiale, le Canada sortait à peine des horreurs du conflit mondial. Alors que les Canadiens cherchaient à reconstruire leur pays et à se forger une nouvelle identité internationale, l’idée germa qu’il fallait rester à la pointe des technologies pour se protéger dans un monde en pleine mutation. Le climat de la guerre froide alimentait cette ambition, et le ciel canadien, vaste et vulnérable, devenait un espace stratégique qu’il fallait absolument défendre.
C’est dans ce contexte que l’Aviation royale canadienne (ARC) commença à réfléchir sérieusement à la création d’un intercepteur capable de repousser toute menace aérienne venue du Nord. Le projet Arrow naquit de ce besoin. Si les États-Unis avaient déjà des avions performants, le Canada voulait montrer qu’il pouvait, lui aussi, briller dans le domaine de l’aéronautique. Pourquoi acheter des avions quand on peut en concevoir un meilleur ? Voilà la question que s’est posée Avro Canada, l’entreprise qui allait concevoir ce fameux appareil.
Avro Canada : L’étoile montante
Avro Canada n’était pas exactement un novice dans l’industrie aéronautique. Fondée en 1945, l’entreprise était issue d’une filiale de la célèbre compagnie britannique Avro Aircraft. Elle avait déjà construit des avions de chasse, comme l’Avro CF-100 Canuck, utilisé par l’ARC dans les années 1950. Cependant, le projet Arrow représentait un bond en avant, une ambition sans précédent pour une entreprise encore relativement jeune.
Sous la direction de designers visionnaires comme Jim Floyd et John Frost, Avro Canada se lança dans la conception d’un intercepteur supersonique capable de voler à des vitesses inimaginables pour l’époque. L’objectif ? Repousser toute attaque potentielle venue du Nord soviétique avant même qu’elle ne touche les terres canadiennes.
La naissance d’une légende : L’Avro Arrow CF-105
Le projet Arrow était, dès le départ, ambitieux. Il ne s’agissait pas de simplement concevoir un avion rapide, mais d’en faire le meilleur de sa catégorie. L’Avro Arrow CF-105, tel qu’il fut baptisé, devait être un intercepteur capable de voler à plus de Mach 2 (soit deux fois la vitesse du son) et de naviguer à haute altitude avec une autonomie suffisante pour couvrir l’immensité du territoire canadien. Pour réaliser cet exploit, les ingénieurs de chez Avro devaient repousser les limites de l’aérodynamique et des matériaux disponibles à l’époque.
En octobre 1957, après des années de recherche et de développement, le premier prototype de l’Avro Arrow fut enfin dévoilé. Ce fut un véritable coup de tonnerre dans le monde de l’aéronautique. Avec son design en delta, ses lignes épurées et ses technologies révolutionnaires, l’Arrow fit sensation. Sa première envolée, en mars 1958, fut un succès. L’avion se comportait comme prévu, atteignant des vitesses et des altitudes records.
Le coup de grâce : Une chute inattendue
Pourtant, malgré tout cet enthousiasme, l’histoire du projet Arrow prit une tournure dramatique. Le gouvernement canadien, dirigé par le Premier ministre John Diefenbaker, commença à douter de la viabilité du projet. Les coûts exorbitants, combinés à des pressions politiques et des changements dans la doctrine militaire, mirent à mal l’avenir de l’Arrow. Le contexte international n’arrangeait pas les choses. Alors que les missiles balistiques devenaient une nouvelle menace, l’idée d’un avion intercepteur semblait soudainement obsolète.
En février 1959, dans ce qui est désormais connu sous le nom de « Black Friday », le gouvernement canadien annonça brusquement l’annulation du projet Arrow. Les cinq prototypes construits furent ordonnés détruits, et les employés d’Avro Canada, au nombre de milliers, se retrouvèrent sans emploi du jour au lendemain. Ce fut un choc. Le Canada venait de se tirer une balle dans le pied technologique.
Mais pourquoi détruire l’Arrow ?
L’annulation du projet Arrow reste l’un des grands mystères de l’histoire militaire canadienne. De nombreuses théories ont émergé pour expliquer cette décision controversée. Certains évoquent la pression américaine. Après tout, si le Canada réussissait à produire un avion de chasse supérieur à tout ce que les États-Unis possédaient à l’époque, cela aurait pu créer une gêne politique.
Certains pensent que c’était une mesure pour empêcher les technologies avancées de tomber entre les mains d’espions soviétiques. D’autres estiment que le gouvernement voulait simplement enterrer définitivement le projet Arrow, sans laisser la moindre trace de ce qui aurait pu être.
D’autres pensent que l’annulation était purement économique. Les coûts avaient explosé, et maintenir le projet à flot semblait irréalisable sans une augmentation considérable des dépenses publiques. Diefenbaker, réputé pour sa prudence budgétaire, aurait préféré couper dans le vif plutôt que de risquer une débâcle financière.
Enfin, il y a ceux qui pensent que la technologie des missiles balistiques intercontinentaux (ICBM) avait rendu l’Arrow obsolète avant même son déploiement. Pourquoi investir dans un intercepteur coûteux quand une guerre nucléaire se jouerait désormais à des milliers de kilomètres au-dessus de la Terre ?
L’empreinte laissée par le projet Arrow
Malgré son annulation brutale, le projet Arrow laissa une empreinte indélébile dans l’histoire du Canada. Techniquement, l’Avro Arrow était en avance sur son temps. Les ingénieurs et scientifiques qui avaient travaillé sur le projet se retrouvèrent rapidement recrutés par d’autres nations, notamment les États-Unis. Beaucoup d’entre eux contribuèrent aux avancées spatiales de la NASA, jouant un rôle clé dans le programme Apollo.
C’est ainsi qu’en détruisant l’Arrow, le Canada a en quelque sorte contribué à envoyer l’homme sur la Lune. Ironique, non ?
Et si l’Arrow avait volé plus longtemps ?
Avec le recul, il est intéressant de se demander ce qu’il serait advenu si le projet Arrow n’avait pas été annulé. Aurait-il donné au Canada un rôle plus prépondérant sur la scène mondiale ? L’avion aurait-il pu être exporté vers d’autres pays, rendant le Canada un acteur incontournable de l’industrie aéronautique ?
On peut aussi se demander si, dans un monde où l’Arrow avait existé, le Canada aurait pu maintenir sa technologie aéronautique à un niveau compétitif face aux grandes puissances mondiales. Les espoirs et les rêves étaient là, mais les réalités budgétaires et politiques en ont décidé autrement.
Vidéo: reportage de Radio-Canada, le 29 décembre 1999.
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