Une femme avec vous, pour toujours : Nicole Croisille s’en va

Une femme avec vous, pour toujours : Nicole Croisille s’en va

Le rideau est tombé sur l’une des carrières les plus discrètement flamboyantes de la scène française. Nicole Croisille, femme libre, voix chaude, regard perçant, s’est éteinte après 88 années d’une vie menée comme une œuvre d’art. Ce 4 juin 2025, le silence est venu poser ses doigts sur une voix qui a si souvent chanté l’amour, le manque, les retrouvailles. Mais dans ce silence, quelque chose demeure. Une vibration. Un souffle.

Des débuts en pointes et en souliers de scène

Nicole Croisille, née le 9 octobre 1936 à Neuilly-sur-Seine, entre dans la lumière très tôt. À 17 ans, elle rejoint le ballet de la Comédie-Française, lieu prestigieux et exigeant. C’est là que se forgent sa rigueur, sa posture, son amour pour les arts vivants. Trois années plus tard, c’est Jean Marais qui lui tend la main pour le rôle principal dans une comédie musicale insolite : L’Apprenti fakir.

Derrière ses yeux clairs et sa silhouette fluide, une ambition artistique immense. Elle ne souhaite pas « réussir », elle veut incarner. Ce sera le mot-clé de toute sa vie : incarner, jusqu’au bout des ongles, jusqu’à l’os parfois.

Le choc américain : entre jazz, pulsation et liberté

En 1958, elle croise le destin d’une autre figure mythique : Joséphine Baker. Nicole intègre sa troupe et découvre la scène comme espace de fusion, de partage, de corps et de rythme. Puis elle s’envole pour les États-Unis. Ce n’est pas un exil, mais une quête.

Là-bas, elle se forme au jazz, absorbe les pulsations afro-américaines, s’imprègne d’un autre rapport à la voix, plus viscéral, plus libre. Elle enregistre un premier 45 tours en 1961, une adaptation d’un morceau de Ray Charles. Un début discret mais significatif, prémisse d’un virage musical bientôt assumé.

Lelouch, Lai, et la voix qui devient cinéma

La rencontre avec Claude Lelouch et Francis Lai en 1966 est capitale. C’est à elle que revient ce « chabadabada » devenu mythique, chant d’ouverture et de clôture du film Un homme et une femme. La magie opère. Elle devient la voix-off d’un cinéma en noir et blanc, mais aussi en nuances de cœur.

Elle enchaîne ensuite les bandes originales de Vivre pour vivre, Les uns et les autres, Il y a des jours et des lunes, Itinéraire d’un enfant gâté. Elle devient pour Lelouch ce que Marlene Dietrich fut pour Sternberg : une voix, une muse, un miroir d’émotions.

L’ascension musicale et la décennie des tubes

Dans les années 1970, Nicole Croisille entre dans une période de grande popularité. Elle n’a plus besoin de s’expliquer : sa voix fait le travail. Son timbre, reconnaissable entre mille, glisse sur les mélodies comme une étoffe de soie.

Parlez-moi de lui, en 1973, touche un public en manque d’authenticité. En 1975, elle enregistre Une femme avec toi et Téléphone-moi, des titres qui mélangent charme, indépendance et sensualité assumée. Elle incarne une femme moderne, qui dit ce qu’elle ressent sans détour. Elle ne crie pas, elle insiste. Elle ne supplie pas, elle expose.

Une femme seule, mais jamais solitaire

Nicole Croisille a choisi la liberté plutôt que les conventions. Sans mari, sans enfants, elle n’a jamais éprouvé le besoin de justifier sa trajectoire. Elle vivait en artiste, en femme libre, avec un respect immense pour le silence entre deux chansons, pour l’espace entre deux répliques.

« Je n’ai chanté que des chansons d’amour et je sais ce que j’ai apporté aux gens », disait-elle. Ce don qu’elle évoque, c’est celui de la sincérité, sans fard ni spectacle forcé. Elle savait que les chansons peuvent être des compagnons de vie, et elle les offrait comme on tend la main.

Retour aux planches : une nouvelle jeunesse

À partir des années 2000, Nicole Croisille revient au théâtre. On la retrouve dans des comédies mordantes, des pièces classiques ou contemporaines. Elle excelle dans la réplique, la tension, le contre-pied. En 2019, elle joue dans N’écoutez pas, Mesdames ! aux côtés de Michel Sardou, et le public découvre une femme drôle, piquante, pleine de fraîcheur.

À 83 ans, elle affirme encore : « Je m’amuse comme une petite folle ! À mon âge, je n’aime que les gageures ! » Le théâtre devient pour elle une arène joyeuse, une salle de jeux où le temps cesse d’exister.

Une artiste à part, pour toujours

Nicole Croisille ne courait pas après les modes. Elle ne cherchait pas à faire jeune, elle faisait vrai. Elle a traversé les générations comme on traverse un fleuve : en restant fidèle à soi, quitte à affronter des courants contraires.

Elle laisse une vingtaine d’albums, des centaines de représentations, une empreinte dans les mémoires. Mais plus encore, elle laisse ce sentiment rare : celui d’avoir été comprise, d’avoir su parler au cœur de chacun.

L’héritage d’une voix

Dans ce monde saturé de bruit, la voix de Nicole Croisille reste une respiration. Elle ne sera jamais oubliée, parce qu’elle a incarné une époque sans jamais la figer. Elle a chanté l’amour comme un acte de foi, joué la comédie comme un acte de vie, et dansé comme un acte de liberté.

Nicole Croisille, c’est une note qui ne se dissipe pas. C’est une lueur dans la mémoire culturelle française. Une femme avec vous, pour toujours.

 

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