
Le soutien-gorge est une invention formidable, mais son nom pose un problème logique sérieux. Pourquoi diable parle-t-on de « gorge » alors qu’il s’agit clairement d’un sous-vêtement destiné à la poitrine ? Et surtout, pourquoi ne pas avoir choisi un terme plus explicite ? Une plongée dans l’histoire des mots nous réserve bien des surprises. Entre latins, couturiers et marketing, découvrons ensemble comment un simple bout de tissu a hérité d’un nom aussi déroutant.
Quand la « gorge » n’est pas où l’on croit
Commençons par l’essentiel : en français moderne, la gorge désigne bien la partie antérieure du cou. Mais si l’on remonte un peu dans le temps, l’histoire se complique. En ancien français, le mot « gorge » désignait aussi le creux entre deux éléments, une sorte de passage encaissé. Cette signification est conservée dans certaines expressions comme « gorge de montagne ».
C’est justement ce relief naturel qui a inspiré l’usage métaphorique pour parler de la poitrine. Car si le soutien-gorge ne s’intéresse pas à la gorge stricto sensu, il s’occupe bien de l’espace entre les seins, ce fameux creux où se loge parfois une médaille, un collier… ou, disons-le franchement, un peu de mystère.
Un nom qui date d’un autre temps
L’appellation « soutien-gorge » ne date pas d’hier. Avant son apparition, les femmes utilisaient diverses méthodes pour maintenir leur poitrine, et les noms attribués à ces pièces vestimentaires variaient en conséquence.
C’est au début du XXᵉ siècle que le mot « soutien-gorge » fait son entrée dans le langage courant. À cette époque, les corsets commencent à disparaître au profit de sous-vêtements plus confortables. Dans cette transition, il fallait bien baptiser cette nouvelle pièce d’étoffe destinée à apporter un maintien plus adapté.
Plutôt que d’opter pour un pragmatique « soutien-seins » (qui, admettons-le, aurait été plus explicite), les créateurs de mode se sont appuyés sur un terme déjà existant dans la lingerie : la « gorge », employée à l’époque pour désigner l’ensemble de la poitrine féminine.
Pourquoi ne pas dire « soutien-seins » ?
On aurait pu s’attendre à ce que la langue française privilégie une appellation plus claire, comme «soutien-seins» ou «maintien-mamelles» (quoi que cette dernière option ait un certain potentiel comique). Pourtant, aucun de ces termes n’a été retenu.
L’une des raisons est que, dans le langage de l’époque, « seins » était un mot jugé trop direct, presque inapproprié. En optant pour « gorge », les créateurs du terme contournaient ainsi une potentielle gêne, tout en restant dans l’univers poétique et élégant cher à la mode. Après tout, « gorge » avait déjà cette connotation plus noble et métaphorique que « seins », bien plus terre-à-terre.
Un mot bien français… mais pas si universel
Si nous trouvons ce nom étrange en français, rassurez-vous : ailleurs, on ne s’embarrasse pas de la même subtilité. En anglais, c’est « bra », abréviation de « brassiere », un terme d’origine française mais qui, dans notre langue, désignait autrefois un simple gilet d’enfant. L’italien dit « reggiseno », traduit « qui retient les seins », et l’espagnol « sujetador », qui évoque directement la fonction de maintien.
Bref, en matière de pragmatisme linguistique, les francophones semblent une fois de plus avoir choisi la poésie… et un léger contresens anatomique !
Le soutien-gorge : un nom anachronique ?
Aujourd’hui, alors que la mode évolue et que certaines femmes choisissant de se libérer du soutien-gorge, son nom pourrait-il un jour disparaître ou être remplacé ? Rien n’est moins sûr ! Malgré son incongruité étymologique, « soutien-gorge » fait partie du patrimoine linguistique et vestimentaire français.
De plus, il est tellement ancré dans les habitudes que personne ne songe vraiment à le remettre en question. Imaginez un instant une grande enseigne de lingerie annonçant : « Découvrez notre nouvelle collection de soutien-seins ultra-confortables ! » Avouez que cela sonne bien moins élégant…
Finalement, même si le nom prête à sourire, il garde ce charme rétro qui fait tout son attrait. Et puis, après tout, un peu de poésie dans la mode, ce n’est pas si mal, non ?
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