
Les vacances n’ont pas toujours été accessibles à tout le monde, loin de là. Leur lente démocratisation, qui a permis aux classes populaires de quitter temporairement le travail pour se ressourcer, est un phénomène relativement récent. Pourtant, aujourd’hui, elles sont devenues un incontournable de nos agendas. Comment en sommes-nous arrivés là? Explorons ensemble cette grande conquête sociale.
Aux origines d’un concept pas si moderne
L’Antiquité et le Moyen Âge : bien plus que du farniente
Bien avant que l’on pense à s’évader sur la plage ou à se perdre dans les montagnes, il existait déjà l’idée de « vacances » dans certains canapés de la société. Le mot lui-même vient du verbe latin vacare , qui signifie « être inoccupé ». Sous l’Empire romain, l’empereur Hadrien fuyait la chaleur étouffante de Rome pour se réfugier à Tivoli, encouragé par le désir de fraîcheur et de repos. Ses contemporains de la haute société ont rapidement suivi la tendance, faisant de la villégiature estivale un symbole de prestige.
Cependant, ne vous méprenez pas : le Moyen Âge n’était pas une période de congés à volonté. Les interruptions du travail, souvent orchestrées par l’Église, servaient surtout aux moissons ou vendanges. Autrement dit, on faisait une pause de l’atelier ou de l’artisanat pour se consacrer aux champs. Plutôt sportif comme « congé », vous ne trouvez pas ?
Des aristocrates aux pionniers du tourisme
Au fil des siècles, l’idée de quitter son domicile pour changer d’air a séduit d’autres élites, notamment en Angleterre. Entre le XVIIIe et le XIXe siècle, c’est la naissance du « tourisme » pour les plus aisés : en voyage dans des stations balnéaires pour profiter de cures d’air marin ou dans des villes d’eau pour des traitements thermaux. Cette période marque une transition : du repos forcé aux travaux agricoles, on passe progressivement à la notion de loisirs et de plaisir.
L’émergence du droit aux vacances en France
Vers la démocratisation
Avec le XXe siècle, la révolution industrielle et la montée des idées sociales, la machine est lancée : la possibilité de s’extraire du travail quotidien devient un enjeu politique. À l’aube des années 1900, on voit apparaître les premières infrastructures facilitant le voyage : autoroutes naissantes, guides de tourisme tels que le célèbre Guide Michelin (né en 1900).
Le vrai changement arrive en 1936, lorsque le Front populaire de Léon Blum instaure les congés payés pour tous, ouvriers compris. La loi du 20 juin 1936 accorde quinze jours de repos, dont douze jours ouvrables. C’est une révolution : les citadins modestes peuvent enfin envisager de quitter leur usine ou leur bureau. Rapidement, la vulgarisation de l’automobile donne aux familles l’occasion de se déplacer librement sur les routes de France.
Évolution et allongement
Les Trente Glorieuses (1945-1975) accélèrent encore le processus. Non seulement l’économie se développe, mais la joie de vivre et l’accès à la consommation changent le paysage social. Le tourisme s’impose comme une industrie florissante, les stations balnéaires et les campings gagnent en popularité.
Sur le plan législatif, plusieurs jalons sont franchis :
- 1938 : introduction des vacances de Noël dans le calendrier scolaire.
- 1956 : troisième semaine de congés payés, soit 18 jours ouvrables garantis.
- 1960 : prolongation des vacances scolaires d’été de juillet à août.
- 1969 : passage à quatre semaines de congés payés.
- 1982 : passage à cinq semaines, sous l’impulsion du gouvernement de Pierre Mauroy.
Et cela ne s’arrête pas là. L’instauration des 35 heures en 2000 et l’émergence des RTT (Réduction du Temps de Travail) offrent encore plus de possibilités de s’absenter du bureau pour souffler.
Le Québec francophone : une histoire singulière des vacances
Les premiers pas : entre traditions religieuses et influences européennes
Au Québec, l’héritage catholique a longtemps rythmé la vie quotidienne. Avant le XXe siècle, la notion de congé était principalement liée aux fêtes religieuses : Noël, Pâques ou la Saint-Jean-Baptiste. Il ne s’agissait pas vraiment de « vacances » dans le sens où on l’entend aujourd’hui. Les agriculteurs et les ouvriers profitaient surtout des jours fériés pour accomplir d’autres tâches ou célébrer des événements familiaux, rarement pour partir en voyage.
Cependant, l’élite financière, souvent inspirée par les us et coutumes européennes, commençait déjà à posséder des résidences secondaires dans des lieux pittoresques comme les Laurentides, Charlevoix ou encore les Cantons-de-l’Est. Les grandes familles montréalaises se permettaient ainsi un changement de décor saisonnier, un peu à la manière des aristocrates de l’Ancien Monde.
L’industrialisation et la lente émergence d’un droit social
Avec l’essor industriel du début du XXe siècle, les travailleurs d’usine exigent peu à peu une meilleure reconnaissance de leurs efforts. Des pots-de-vin de législation émergente pour encadrer les heures de travail, mais le concept de vacances payées demeure longtemps marginale.
Les changements surviennent surtout après la Seconde Guerre mondiale, dans un contexte d’amélioration des conditions de vie et de montée des mouvements syndicaux. Le Québec, alors en pleine transformation économique et sociale, voit grandir l’idée que le repos n’est pas un luxe réservé à quelques-uns mais bien un droit collectif.
L’effet de la Révolution tranquille
Durant les années 1960, la Révolution tranquille bouleverse les valeurs traditionnelles québécoises. On assiste à la création de divers programmes sociaux et à l’expansion du rôle de l’État dans des secteurs clés comme la santé et l’éducation. Ce climat de modernisation favorise également une meilleure reconnaissance des droits des travailleurs.
Plusieurs lois provinciales viennent alors structurer et consolider le droit aux vacances. Un moment marquant est l’intégration, pour les salariés, de congés annuels rémunérés garantis par la législation québécoise, notamment via la Loi sur les normes du travail . Les syndicats jouent un rôle déterminant dans cette avancée, en négociant des ententes collectives permettant d’étendre la durée des vacances.
La consécration avec les « Vacances de la construction »
Si vous êtes déjà passé au Québec en été, vous avez peut-être remarqué un phénomène presque sacré : les fameuses « vacances de la construction ». Il s’agit des deux dernières semaines de juillet, durant lesquelles une grande partie du secteur de la construction ferme ses chantiers. De nombreux autres secteurs en profitent également pour planifier leurs congés à la même période, créant un véritable ralentissement général et un engorgement légendaire des routes vers les régions touristiques.
Aujourd’hui, le Québec dispose de normes claires : un minimum de deux semaines de congé annuel payé pour les nouveaux employés et davantage au fil des années de service. Il reste certes des nuances selon la taille de l’entreprise et l’ancienneté, mais le principe est enraciné dans les mœurs. Les vacances ne sont plus un luxe inaccessible : elles constituent un droit pour tous les travailleurs et travailleuses.
Quand le monde entier s’y est rencontré
Le Québec n’a pas été le seul à évoluer en matière de droits aux vacances. Le Canada dans son ensemble a adopté des lois similaires dans les différentes provinces, souvent inspirées des réformes européennes. De nos jours, la plupart des pays industrialisés garantissent une période minimale de congés annuels payés.
Selon le lieu et la culture, ces semaines de repos peuvent être réparties différemment dans l’année. Au Japon, par exemple, on note encore une forte réticence à poser ses congés dans certaines entreprises, tandis qu’en Europe occidentale, les cinq semaines de vacances (voire plus) sont perçues comme un socle intouchable du droit social.
Un acquis social, mais un plaisir renouvelé
Les vacances, aujourd’hui, recouvrent une myriade de significations : se ressourcer, voir sa famille, voyager à l’autre bout du globe, randonner, s’adonner à de nouvelles passions ou tout simplement « ne rien faire ». Les congés payés ont permis aux sociétés modernes d’intégrer un temps de pause désormais presque sacré.
Pour vous, ces quelques jours de repos peuvent être l’occasion de vous aventurier dans le Vieux-Québec, de découvrir la Côte d’Azur, de faire du camping dans le Bas-Saint-Laurent ou de flâner dans les rues de Paris. Peu importe où vous irez, vous serez sans doute reconnaissant que le concept de vacances ait quitté le cercle fermé de l’aristocratie pour devenir un droit universel.
Conclusion
La prochaine fois que vous préparez votre valise ou que vous rêvez d’une escapade au chalet, rappelez-vous que les vacances ont été, et sont encore, le fruit de luttes sociales et de réformes progressistes. De la Rome antique, où l’élite s’accordait des séjours au frais, jusqu’au Québec moderne et sa célèbre construction vacances, le chemin fut long pour faire de ces parenthèses de détente un acquis collectif.
Si vous souhaitez partir découvrir de nouveaux horizons, vous détendre ou simplement vous retrouver, sachez que derrière chaque congé se cachent plusieurs siècles d’histoire. Sans ces pionniers du droit au repos, nos précieux moments de détente n’auraient peut-être jamais vu le jour. Alors, où irez-vous lors de vos prochaines vacances ? C’est à vous de jouer!
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