
Bien avant que la renommée d’Hatchepsout ou la légende de Cléopâtre ne traversent les siècles, une femme grava son nom dans la pierre sacrée de l’Égypte antique. Néférousobek ne fut pas une simple régente, mais une pharaon légitime, assumant toutes les prérogatives royales dans une époque troublée. Elle ouvrit une voie périlleuse mais extraordinaire pour les femmes de pouvoir. Redonnons-lui la place qu’elle mérite dans l’épopée millénaire des bords du Nil.
Aux portes d’un monde en mutation
Le trône d’Égypte, au crépuscule de la XIIe dynastie, vacillait sur ses bases. Le règne du roi Amenemhat IV, peu documenté et sans héritier masculin direct, laissait derrière lui un royaume affaibli par des tensions internes et externes. Dans ce contexte instable, surgit une figure inattendue : Néférousobek. Fille d’Amenemhat III, elle ne pouvait prétendre à la couronne que par un écart aux traditions millénaires. Pourtant, l’urgence de la situation, autant que ses propres talents politiques, ouvrirent la voie à cette révolution silencieuse.
L’Égypte était à un tournant. Si elle voulait survivre, elle devait accepter l’inédit : une femme sur le trône.
Néférousobek, fille d’un bâtisseur de légendes
Le père de Néférousobek, Amenemhat III, avait laissé une empreinte profonde. Surnommé « le roi des grands travaux », il fut le maître d’œuvre d’immenses projets hydrauliques et architecturaux, dont l’impressionnant complexe du Fayoum. Grand souverain d’une époque de prospérité, il forgea un empire fort, admiré pour sa richesse et son influence.
Néférousobek, élevée dans cette ambiance de puissance et d’ambition, n’était pas une simple spectatrice. Dès son plus jeune âge, elle fut formée aux arts de gouverner. Administration, rites religieux, diplomatie : rien ne lui fut étranger. Lorsque le trône vacilla, elle avait déjà forgé sa propre vision du pouvoir.
Une prise de pouvoir sans précédent
Contrairement à d’autres reines qui n’eurent qu’un pouvoir de régence, Néférousobek assuma pleinement les prérogatives royales. Elle ne se limita pas au rôle de gardienne du trône pour un futur roi ; elle devint pharaon de plein droit. Ses cartouches officiels ne laissent aucune ambiguïté : elle prit les titres pharaoniques traditionnels, masculinisés comme l’exigeait le protocole, mais assumés avec fierté.
Elle fit édifier de nouvelles constructions, compléta certaines œuvres de ses prédécesseurs, et fit frapper son nom sur les monuments publics. Chaque pierre portant son nom témoignait de son autorité incontestée. Sa représentation dans les statues et bas-reliefs, cependant, oscillait entre les codes masculins du pouvoir et une féminité assumée : un subtil équilibre qui reflétait son audace.
Un règne bref mais marquant
Néférousobek régna environ trois à quatre ans, selon les différentes analyses des chroniques antiques et des vestiges archéologiques. Ce court laps de temps ne l’empêcha pas d’accomplir des actes significatifs. Sous son autorité, l’Égypte connut une continuité administrative et une stabilité qui semblaient inespérées après les incertitudes de la succession.
Si les détails de son règne restent fragmentaires, son influence est visible à travers plusieurs documents, comme les inscriptions du temple de Médinet Mâdi dans le Fayoum, où elle est mentionnée avec révérence. Elle y poursuivit l’œuvre de son père, témoignant ainsi d’une volonté de ne pas rompre avec l’héritage dynastique, tout en affirmant sa propre légitimité.
Héritage et oubli
À sa mort, l’Égypte bascula dans une période d’instabilité qui marqua la fin du Moyen Empire. Son successeur, Sobekhotep I, inaugurera une nouvelle ère moins stable. Néférousobek, malgré son rôle novateur, fut peu à peu effacée des mémoires officielles. Les scribes de la XVIIIe dynastie, en particulier, préférèrent glorifier Hatchepsout, plus tardive, comme la grande pharaonne de l’histoire.
Mais les archéologues modernes, en dépoussiérant les témoignages du passé, redonnent aujourd’hui à Néférousobek la place qui lui revient : celle d’une pionnière. Son courage et son intelligence permirent à l’Égypte de tenir tête aux dangers d’une transition politique majeure.
Redécouvrir Néférousobek : une leçon pour notre temps
Redécouvrir l’histoire de Néférousobek, c’est porter un regard neuf sur la capacité des femmes à gouverner dans des sociétés que l’on croit rétrospectivement figées dans le patriarcat. Elle démontre que l’intelligence politique, la détermination et le sens du devoir transcendent les genres.
Aujourd’hui, alors que l’égalité des sexes reste un combat planétaire, la figure oubliée de Néférousobek résonne avec une acuité particulière. Elle nous enseigne que, même dans les périodes les plus conservatrices, le changement est possible — et que les véritables leaders émergent souvent là où on les attend le moins.
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