
À travers cette chronique, nous allons lever le voile sur la fin de vie d’un homme qui en a révélé tant sur la nôtre. Léonard de Vinci est mort à 67 ans, mais jusqu’à son dernier souffle, son esprit resta éveillé, curieux, presque insatiable. Ce que vous allez lire n’est pas simplement une biographie, mais une immersion dans le crépuscule d’un titan de l’esprit. Les archives, les anecdotes et les émotions se mêlent ici pour restituer ce moment.
Une fin loin de Florence
Le 2 mai 1519, dans le paisible château du Clos Lucé, à Amboise, Léonard de Vinci s’éteint à l’âge de 67 ans. À première vue, rien de spectaculaire. Pas de mystère rocambolesque, ni de disparition énigmatique, comme certains l’auraient rêvé pour un homme de son aura. Pourtant, cette mort, aussi calme soit-elle, mérite toute notre attention. Car elle marque la fin d’un monde, celui d’un homme qui fut à lui seul peintre, inventeur, anatomiste, philosophe, botaniste, ingénieur, et ami des rois.
Loin de Florence, de Milan ou de Rome, c’est en France que ce génie toscan a choisi d’achever son parcours. Pas par exil, mais par invitation royale. François Ier, alors jeune monarque ambitieux et épris d’art, l’avait accueilli en 1516 avec les honneurs dignes d’un prince. Le roi lui offre non seulement le Clos Lucé comme demeure, mais aussi une pension confortable et une proximité rare. Une sorte de retraite dorée, mais pas sans activités.
Le Clos Lucé : un sanctuaire de pensée
Le manoir du Clos Lucé n’est pas une simple résidence. C’est un lieu vibrant, traversé d’idées, d’ébauches et de visions futuristes. Léonard y travaille encore, même affaibli par l’âge et la maladie. Sa main droite reste agile, mais son bras gauche est paralysé depuis une attaque cérébrale quelques années plus tôt. Pourtant, cela ne l’empêche pas de continuer à dessiner, à écrire, à réfléchir.
Il y reçoit artistes, érudits, ambassadeurs et courtisans. Ceux qui franchissent sa porte repartent souvent bouleversés. Il parle peu de lui, mais évoque sans cesse le mouvement des corps, la lumière, les oiseaux, l’eau, l’âme humaine. Il rédige encore, dans ses carnets, des réflexions sur l’existence, la vieillesse, la nature du temps. La mort ne l’effraie pas, elle l’intéresse. Il l’étudie comme tout le reste. Avec rigueur, curiosité, respect.
Une amitié royale
L’une des beautés les plus poignantes de cette fin de vie est la relation entre Léonard et François Ier. Plus qu’un mécène, le roi devient un confident. Les deux hommes, bien qu’éloignés par l’âge, se retrouvent dans leur soif de savoir, dans leur goût du débat, dans leur vision du monde. Léonard n’est plus un sujet de l’Italie divisée, mais un hôte de France, choyé, honoré.
Une légende, souvent embellie, raconte que Léonard est mort dans les bras du roi. Elle vient de Giorgio Vasari, biographe enthousiaste mais parfois imprécis. Pourtant, l’image est restée. Et si elle n’est pas littéralement vraie, elle traduit une vérité plus subtile : François Ier pleura véritablement la mort de Léonard, et la France tout entière perdit un trésor vivant.
Dans une lettre, l’un des secrétaires du roi note combien la tristesse fut grande ce jour-là à Amboise. Les cloches sonnèrent, les notables se recueillirent, et un sentiment étrange flotta dans l’air : celui d’avoir vu passer un météore.
Le testament du maître
Léonard de Vinci, fidèle à sa méthode, a tout prévu. Il dicte ses volontés à son fidèle serviteur Francesco Melzi, qu’il considère presque comme un fils. C’est lui qui recevra la majeure partie des carnets, des manuscrits, des dessins et croquis. C’est lui qui sera chargé de transmettre, d’ordonner, de préserver.
Son testament est clair : il souhaite que ses funérailles soient simples, mais dignes. Il demande une cérémonie à l’église Saint-Florentin d’Amboise. Il lègue aussi des biens à ses serviteurs, à son jardinier, à ses élèves. Il n’oublie personne. Même ses vêtements sont répartis avec soin. L’homme que l’on disait distrait dans sa jeunesse fait preuve, dans la mort, d’une précision chirurgicale.
La légende veut que son regard se soit tourné une dernière fois vers le ciel, comme pour dire adieu à ce monde qu’il avait tant aimé explorer.
Où repose Léonard ?
La question de la sépulture de Léonard de Vinci mérite que l’on s’y attarde. Car si l’église Saint-Florentin a bien accueilli sa dépouille en 1519, elle n’existe plus aujourd’hui. Détruite à la Révolution, puis rasée au XIXe siècle, elle a emporté avec elle la certitude de la localisation exacte de la tombe.
Des fouilles menées en 1863 dans la chapelle Saint-Hubert, située dans l’enceinte du château d’Amboise, ont permis d’y découvrir un tombeau contenant des restes humains accompagnés d’un fragment de pierre portant le prénom « Léonard ». Le doute subsiste, mais l’émotion est là. Depuis, la chapelle est devenue un lieu de pèlerinage discret, un sanctuaire pour les amoureux de la pensée humaniste.
On ne sait donc pas avec une certitude absolue où repose Léonard. Et peut-être est-ce mieux ainsi. Il est un peu partout, et en chacun de nous, dès lors que nous nous émerveillons devant une fleur, une machine ou un sourire mystérieux.
Une mort lente et lucide
Les dernières semaines de Léonard ne furent ni douloureuses ni précipitées. Affaibli, il prend de plus en plus de repos. Il parle peu, mais conserve un regard attentif sur son entourage. Il se laisse parfois aller à la rêverie, à l’évocation d’anciennes amours, de projets inachevés, de cieux qu’il n’a pas encore traversés.
Il ne semble pas regretter. Il accepte, observe, analyse même les signes de la fin. Certains témoignent de son calme presque surnaturel. D’autres disent qu’il parlait à voix basse à ses carnets, comme s’il y déposait une dernière confidence.
Son dernier mot aurait été pour Dieu. Ou pour la nature. Peut-être pour les deux.
L’héritage au-delà du tombeau
La mort de Léonard de Vinci n’a pas mis fin à son œuvre. Elle l’a sanctifiée. Ses manuscrits, ses inventions, ses croquis anatomiques, ses tableaux sont devenus autant de fragments d’un esprit qui refusait les limites. Des siècles plus tard, son influence rayonne dans les sciences, les arts, l’ingénierie, l’architecture.
On lui doit les prémices de l’hélicoptère, des études sur la circulation sanguine, des réflexions sur l’érosion, la géologie, la mécanique. Il a transformé l’art du portrait, initié une nouvelle approche de la lumière et du mouvement, et surtout, il a prouvé qu’un homme seul pouvait embrasser le monde.
Sa mort n’est pas un point final. C’est une porte. Celle qui mène à l’éternité.
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