
Il aurait pu rester dans l’Histoire comme un comédien charismatique, étoile montante du théâtre américain. Mais le 14 avril 1865, John Wilkes Booth entre dans la loge présidentielle du Ford’s Theatre à Washington. Quelques instants plus tard, Abraham Lincoln est mortellement blessé. Un coup de feu change le destin d’un pays, et fait de Booth l’un des noms les plus infâmes de l’Histoire des États-Unis. Qui était vraiment cet homme aux idées brûlantes et à la moustache de tragédien ? Remontons le fil.
Un comédien adulé par l’Amérique
John Wilkes Booth naît le 10 mai 1838 dans une famille de comédiens renommés. Son père, Junius Brutus Booth, est un acteur shakespearien britannique respecté, bien que réputé pour son caractère instable. Très jeune, John baigne dans l’univers théâtral et se distingue rapidement par son charisme sur scène. Il est beau, élégant, expressif. À 17 ans, il monte pour la première fois sur les planches. Le public l’adule, surtout dans les drames historiques.
Il joue Richard III, Hamlet, Brutus, et chaque soir, il donne tout : voix, gestes, regards. Mais derrière le masque du tragédien, un autre feu couve. John Wilkes Booth est aussi un homme de convictions, profondément ancré dans ses idéaux sudistes.
Des convictions enflammées
Dans les années 1850-1860, l’Amérique est secouée par des tensions extrêmes entre le Nord abolitionniste et le Sud esclavagiste. Booth, originaire du Maryland, un État esclavagiste mais resté dans l’Union, développe une haine farouche envers Abraham Lincoln, qu’il accuse d’avoir trahi la Constitution et détruit l’équilibre du pays.
Il n’est pas seulement raciste – il est fanatiquement confédéré. Il voit dans Lincoln un tyran, un homme qui, selon lui, a usurpé le pouvoir au nom d’une morale hypocrite. Booth ne rêve pas seulement de vengeance, mais de justice selon sa propre vision. Il veut frapper un coup symbolique, changer le cours de l’Histoire.
Le théâtre comme scène d’un assassinat
Le 14 avril 1865, Abraham Lincoln décide d’assister à une pièce intitulée Our American Cousin au Ford’s Theatre de Washington. Ce soir-là, la guerre civile est presque officiellement terminée. La victoire de l’Union est acquise, et la nation s’apprête à panser ses plaies.
John Wilkes Booth connaît parfaitement le théâtre. Il y a joué. Il en connaît chaque recoin. Il planifie son geste depuis des semaines, d’abord en rêvant d’enlever le président. Mais ce plan échoue. Il décide alors de passer à l’acte le plus radical.
À 22h15, profitant d’un éclat de rire dans la salle, il entre dans la loge présidentielle, pointe un pistolet à un coup derrière la tête du président, et tire. Lincoln s’effondre.
La fuite d’un meurtrier
Booth saute de la loge sur la scène, s’écriant en latin Sic semper tyrannis ! (« Ainsi périssent les tyrans ! »). Il se blesse à la jambe en tombant, mais parvient à fuir.
Commence alors l’une des plus grandes chasses à l’homme de l’Histoire américaine. Accompagné d’un complice, David Herold, il traverse la campagne du Maryland vers la Virginie. Pendant 12 jours, il échappe à ses poursuivants, aidé par des sympathisants sudistes. Mais les fédéraux resserrent l’étau.
La fin dans une grange en flammes
Le 26 avril 1865, les soldats retrouvent Booth dans une grange à Garrett’s Farm, en Virginie. Il refuse de se rendre. La grange est incendiée. Booth est abattu d’une balle dans la nuque par le sergent Boston Corbett, qui désobéit aux ordres.
Transporté dehors, Booth agonise durant deux heures. Il ne parle presque plus. Ses dernières paroles auraient été : « Dites à ma mère que je suis mort pour mon pays. »
Il meurt à 27 ans, sans procès, sans confession publique, laissant derrière lui une nation en état de choc.
Le complot : simple geste isolé ou réseau organisé ?
Booth n’était pas seul dans ses intentions. Il avait formé un petit groupe de conspirateurs. L’objectif initial était d’enlever Lincoln, mais le plan s’est radicalisé. Le soir du 14 avril, plusieurs cibles devaient être attaquées : le vice-président Andrew Johnson et le secrétaire d’État William Seward.
Si Johnson échappe à l’attaque, Seward est grièvement blessé. L’assassinat de Lincoln devient ainsi l’un des rares cas de tentative de décapitation simultanée de l’exécutif américain. Le procès des complices sera public, expéditif, et quatre d’entre eux seront pendus.
L’héritage d’un geste irréparable
L’assassinat de Lincoln a profondément marqué les États-Unis. Le président, devenu martyr, est pleuré dans tout le pays. Quant à Booth, il devient le visage de la trahison et du fanatisme. Pour certains sudistes, il est un héros perdu. Pour l’Histoire, il est un avertissement : celui de ce que la haine, la passion et la radicalisation peuvent produire, même chez un homme cultivé et éduqué.
Sa vie fut courte, dramatique, flamboyante. Elle s’acheva dans l’obscurité, mais son acte, lui, brilla d’une lumière sinistre, longtemps visible dans la mémoire collective.
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