Jack Parsons : le génie occulte de la conquête spatiale

Jack Parsons : le génie occulte de la conquête spatiale

Imaginez un scientifique qui, entre deux essais de moteurs à propulsion, célèbre des messes païennes dans sa maison californienne. Imaginez un intellectuel brillant, visionnaire, mais aussi habité par des forces obscures et des croyances hermétiques. C’est toute la complexité de Jack Parsons, figure oubliée de la science moderne et adepte fervent de Thelema, la religion fondée par Crowley. Voici son histoire, entre fulgurance intellectuelle et mysticisme envoûtant.

L’enfant du feu

Jack Parsons est né le 2 octobre 1914 à Los Angeles, dans une Californie en pleine mutation. Dès l’enfance, il se passionne pour la littérature fantastique, les récits de Jules Verne et d’H. G. Wells, et les mystères des sciences encore inaccessibles. Dans les jardins de Pasadena, le petit John Whiteside Parsons – son nom complet – fabrique ses premiers pétards, en rêveur obstiné de fusées. Il n’a jamais cessé de vouloir atteindre les étoiles, mais ce qu’il visait allait bien au-delà du ciel visible.

Issu d’une famille aisée, mais éclatée, Jack grandit dans une maison victorienne remplie de solitude. Son père, infidèle notoire, est banni du foyer peu après sa naissance. Il est élevé par une mère autoritaire et névrosée, avec laquelle il entretiendra une relation fusionnelle puis destructrice. Très tôt, il découvre en lui une faille que la science ne suffit pas à combler. Ce vide, il tentera de le remplir par l’explosion, la transgression, la magie.

L’invention d’un pionnier autodidacte

Jack Parsons ne terminera jamais ses études universitaires. Cela ne l’empêchera pas de devenir un acteur central de la révolution astronautique américaine. Dans les années 1930, aux côtés de son ami Edward Forman et du professeur Theodore von Kármán, il fonde un groupe d’expérimentation à Caltech surnommé… les « Suicidal Rocketeers » (les rocketeers suicidaires). Le surnom n’est pas volé. Ces jeunes enthousiastes font exploser leurs prototypes dans le désert californien, testant des carburants liquides hautement instables dans un monde encore sceptique face à l’idée de voler autrement qu’en avion.

En 1943, leurs efforts se concrétisent. Avec la création du Jet Propulsion Laboratory (JPL), devenu plus tard un bras essentiel de la NASA, Parsons inscrit son nom dans l’histoire. Il met au point des propulseurs à carburant solide qui équiperont bientôt les missiles américains. Mais l’Amérique n’aime pas les génies trop excentriques, ni les esprits libres. Et Parsons ne se contente pas d’être inventif. Il est aussi dangereux, dérangeant. Trop explosif au propre comme au figuré.

Une maison nommée The Parsonage

Dans les années 1940, alors que les États-Unis entrent dans la guerre, Jack se fait de plus en plus remarquer pour ses mœurs libertines et ses croyances ésotériques. Sa demeure de Pasadena devient un lieu de rassemblement pour artistes, occultistes, marginaux, et jeunes bohèmes. On y organise des rituels païens, des invocations nocturnes, des fêtes orgiaques à la gloire de Pan. On l’appelle bientôt “The Parsonage”.

Parsons adhère à l’Ordo Templi Orientis (OTO), l’organisation mystique dirigée par le très controversé Aleister Crowley, surnommé “la Grande Bête 666”. Il y devient un disciple fervent, adoptant la philosophie de Thelema : “Fais ce que tu veux sera le tout de la Loi.” Il grimpe les échelons de l’OTO et dirige la loge d’Agapé à Los Angeles. Ses écrits, mêlant poésie, science et invocations, témoignent d’un esprit aussi tourmenté que brillant.

Mais cette vie alternative dérange. Les voisins se plaignent. Les autorités commencent à enquêter. Dans une Amérique puritaine en pleine paranoïa anticommuniste, les déviances sexuelles et l’occultisme ne sont pas tolérés. Parsons est bientôt dans le collimateur du FBI.

La rencontre explosive avec L. Ron Hubbard

C’est dans cette période que Jack fait une rencontre déterminante : celle de L. Ron Hubbard, futur fondateur de l’Église de Scientologie. Les deux hommes deviennent rapidement inséparables. Ensemble, ils lancent une série de rituels magiques qu’ils appellent le « Babalon Working ». Inspirés par la kabbale, le Livre de la Loi et divers grimoires, ces rituels ont un objectif déconcertant : faire apparaître sur Terre une déesse appelée Babalon, une entité sexuelle et divine censée changer le cours de l’humanité.

Jack croit que la femme idéale, l’incarnation de Babalon, finira par se manifester. Et elle se manifeste, selon lui, sous les traits de Marjorie Cameron, une artiste mystique aux cheveux rouges, aussi magnétique que troublante. Mais tandis que Parsons se noie dans ses rituels, Hubbard le trahit. Il s’enfuit avec l’argent de leur société commune – et la compagne de Jack – pour lancer les bases de sa future religion. Cette trahison brise Jack, autant moralement que financièrement.

Une descente vers l’oubli

En 1947, Jack Parsons est exclu de ses contrats gouvernementaux pour “proximité avec des éléments subversifs”. Il vend des explosifs pour survivre, écrit des essais ésotériques, envoie ses poèmes à Crowley, qui meurt peu après. Il tente de s’exiler en Israël, puis au Mexique. Mais les services de renseignement américains veillent. Partout où il tente de se réinventer, on lui ferme les portes.

Sa santé mentale décline. Son mariage avec Marjorie Cameron devient orageux, hanté par les fantômes qu’il a lui-même invoqués. Il continue cependant à croire, à écrire, à expérimenter dans son garage.

Et puis, le 17 juin 1952, la vie de Jack Parsons s’achève brutalement dans une explosion. Officiellement, un accident de laboratoire. Officieusement, plusieurs rumeurs circulent : sabotage, suicide déguisé, ou vengeance occulte. Son visage est méconnaissable. La fin est aussi flamboyante que sa vie.

Héritage : la NASA sans mémoire

Aujourd’hui, son nom est effacé des grands récits de la conquête spatiale. Le JPL, qu’il a contribué à fonder, ne mentionne guère son rôle dans ses communiqués officiels. L’Amérique préfère oublier qu’un de ses héros scientifiques invoquait des démons et récitait des formules en écoutant la voix des étoiles.

Mais dans les milieux ésotériques, son souvenir reste vivace. Il est vénéré comme un alchimiste moderne, un Prométhée qui a volé le feu aux dieux sans en demander la permission. Il est aussi célébré par les libertaires, les poètes, les transgressifs. Car Jack Parsons a osé vivre une vie entière sans compromis, au péril de son équilibre, de sa réputation, et de sa postérité.

Son histoire est une comète : brève, incandescente, et profondément troublante.

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