
On les redoute autant qu’on les respecte. Les djinns, ces entités de feu et d’air, n’appartiennent ni au monde des vivants, ni à celui des morts. On dit qu’ils vivent dans les déserts, lieux d’épreuves, de solitude et de transformation. Chaque oasis aurait son protecteur ou son piégeur, chaque tempête son esprit. Il n’est pas rare que les nomades dressent leurs camps à l’écart de certaines dunes réputées “habitées”. Qui sont vraiment les djinns ? Et pourquoi le désert semble-t-il être leur royaume ?
Un peuple fait de feu
Les djinns, selon la tradition islamique, ont été créés avant l’homme, d’un feu sans fumée. Ni anges, ni démons, ils sont une race à part, douée de libre arbitre, capable du bien comme du mal. Ces êtres invisibles partagent notre monde, mais vivent dans une dimension parallèle, difficilement perceptible.
Le désert, étendue austère et fascinante, est souvent évoqué comme leur royaume préféré. C’est là que le feu brûle sous le sable, que le vent souffle sans direction, que le silence cache autre chose que le vide. Dans ces paysages rudes, les djinns trouveraient la solitude idéale pour échapper aux regards humains.
Les récits nomades
Chez les Bédouins, les Touaregs et bien d’autres peuples du désert, les histoires de djinns sont nombreuses. Certaines tentes ne doivent jamais être dressées au pied de certaines dunes, sous peine d’attirer l’ire des invisibles. Des voyageurs racontent avoir entendu des murmures dans la nuit, vu des ombres sans source, ou senti une présence glaciale les suivre sous une chaleur accablante.
Des puits anciens, oubliés, sont parfois évités car on dit qu’ils sont « habités ». Il est même déconseillé de jeter des pierres ou de faire du bruit inutilement à certains endroits du désert : cela pourrait déranger les djinns. Ces traditions orales ne sont pas des divertissements. Elles sont imprégnées de respect, d’observation et, parfois, de terreur.
Dans le Coran et la culture islamique
Le Coran mentionne les djinns à plusieurs reprises. Une sourate leur est même entièrement dédiée, la sourate Al-Jinn. Selon ce texte sacré, ils vivent comme nous : ils mangent, se marient, meurent, peuvent être musulmans ou mécréants. Certains djinns écoutèrent même le prophète Muhammad prêcher et se convertirent à l’islam.
Cette reconnaissance théologique a donné lieu à de nombreuses croyances parallèles, dans lesquelles les djinns interagissent parfois dangereusement avec les humains : possessions, manipulations, pactes ou encore malédictions. Le désert est alors vu comme un lieu où ces rencontres sont plus probables, car loin du tumulte humain et plus proche du monde des esprits.
Le désert comme espace liminal
Le désert n’est pas simplement un décor : il est un seuil. Un espace entre les mondes. Dans toutes les cultures, les zones liminales — forêts profondes, montagnes brumeuses, mers lointaines — sont des lieux de passages. Le désert, avec sa beauté aride, est une frontière idéale entre le réel et l’invisible.
Le sable efface les traces, le vent emporte les mots, le soleil éblouit les sens. Dans cet environnement, il est facile de se perdre — et c’est là que les djinns apparaissent. Pas comme des monstres de contes, mais comme des symboles d’un monde que l’on a oublié d’écouter.
Magie, rites et précautions
Dans certaines cultures du désert, des rituels existent pour se protéger des djinns. Amulettes, incantations, prières. Les chamans ou marabouts sont parfois consultés avant de partir en expédition dans certaines zones jugées “habitées”. L’usage de l’encens, notamment le benjoin ou le musc, est courant pour éloigner les mauvais esprits.
Il est aussi recommandé de ne jamais voyager seul la nuit. Car les djinns profiteraient de l’isolement pour se manifester. Certains récits parlent de djinns qui se font passer pour des voyageurs, offrant aide et compagnie, avant de révéler leur nature plus inquiétante au lever du soleil.
Un mythe vivant
Les djinns ne sont pas des reliques d’un passé superstitieux. Ils sont aujourd’hui encore présents dans les esprits de millions de personnes. Dans les rues de Marrakech, les marchés de Tunis ou les campements touaregs, leur nom est prononcé avec prudence.
Ils représentent à la fois l’inconnu, le mystère, le respect du sacré. Ils nous rappellent que le monde n’est pas uniquement ce que l’on voit. Dans le désert, plus qu’ailleurs, les perceptions changent, la réalité vacille. Et c’est précisément là, dans cette brèche, que les djinns dansent.
Rejoignez-nous !
Abonnez-vous à notre liste de diffusion et recevez des informations intéressantes et des mises à jour dans votre boîte de réception.