Dearg-Due : Le baiser sanglant de l’Irlande oubliée

Dearg-Due : Le baiser sanglant de l’Irlande oubliée

Dans les vallées voilées de l’Irlande ancestrale, où les pierres racontent encore les secrets du vent, une légende refait surface. Elle s’appelle Dearg-Due. Belle, silencieuse, et maudite, elle n’est pas une créature comme les autres. On dit qu’elle revient la nuit, aspirée par le souffle des vivants. Son histoire, enfouie sous des siècles de brume et de superstition, continue de hanter les esprits les plus curieux. Voici le récit d’une âme blessée devenue l’un des mythes les plus sombres du folklore celte.

Les échos d’une terre où les morts parlent encore

L’Irlande est un pays de pierres levées, de forêts sombres, de landes balayées par le vent et de nuits où même les silences ont une voix. Dans cette contrée, les histoires s’ancrent dans les racines des arbres et dans les plis du brouillard. Certaines sont belles, d’autres poignantes, mais quelques-unes glacent le sang. L’histoire de Dearg-Due appartient à cette dernière catégorie.

Elle ne hurle pas. Elle ne court pas. Elle ne jaillit pas des ombres avec fracas. Dearg-Due s’approche avec douceur, s’insinue dans les pensées, charme avant de prendre. Sa légende, pourtant peu connue hors des frontières celtiques, fascine depuis des siècles ceux qui osent la raconter.

Naissance d’une légende au cœur brisé

Dearg-Due, que l’on peut traduire en vieil irlandais par « sang rouge » ou « buveuse de sang », n’est pas née monstre. Elle était, à l’origine, une jeune femme d’une beauté troublante, née dans une époque où les sentiments ne pesaient rien face aux stratégies matrimoniales. Sa voix, dit-on, était douce comme une harpe, son regard aussi limpide que les lacs de Glendalough. Les hommes tombaient amoureux d’elle comme on glisse dans un rêve.

Mais son père, avide de richesses, la vendit à un seigneur cruel, bien plus âgé, bien plus brutal. Elle l’implora, lui parla de l’amour qu’elle portait à un jeune homme du village. En vain. Les noces eurent lieu, suivies de nuits sans amour, d’humiliations et de douleurs.

Dearg-Due finit par se laisser mourir. On l’enterra, non loin de Waterford, sous un vieux arbre tordu que la tradition locale évite encore. On croyait en avoir fini avec elle. On se trompait lourdement.

Le retour d’une âme meurtrie

Ce ne fut ni l’enfer ni le paradis qui accueillirent son âme. Ce fut l’attente. Et la colère. Trahie par son père, détruite par son époux, oubliée de ceux qu’elle aimait, Dearg-Due ne put reposer. Une nuit, selon la légende, elle se releva de sa tombe. Son corps était encore celui d’une femme, mais son cœur battait désormais au rythme d’un mal ancien.

Elle retourna voir son mari, le visage apaisé, les yeux chargés d’une tendresse trompeuse. Il ouvrit la porte. Et ne vit jamais le lever du jour. Le lendemain, on retrouva son cadavre vidé de son sang, les traits figés dans une expression de béatitude terrifiée.

Depuis cette nuit-là, Dearg-Due revient. Pas souvent. Mais toujours pour les mêmes raisons : ceux qui font du mal, ceux qui tuent l’amour, ceux qui écrasent les volontés.

Une succube celte dans l’ombre du vampire moderne

Il serait tentant de rapprocher Dearg-Due des vampires de la littérature gothique, comme Carmilla ou Dracula. Pourtant, elle précède ces figures de plusieurs siècles. Son histoire est plus intime, plus sociale aussi : elle est l’incarnation d’une révolte féminine à une époque où les femmes n’avaient que le silence pour se défendre.

Dearg-Due n’a pas besoin de crocs ni de cape. Elle séduit, attire, enlace. Et prend. Son charme n’est pas une illusion, c’est un piège. Elle ne tue pas toujours, dit-on. Parfois, elle ne fait qu’embrasser. Mais son baiser vole la vitalité. Elle aime les hommes séduisants, les hommes puissants, ceux qui auraient pu être ses bourreaux.

Au fil des siècles, son mythe s’est mêlé à d’autres figures de folklore celte : les banshees, les bean-nighe, et même les selkies. Mais elle garde sa particularité : celle d’une femme morte injustement et qui refuse que l’injustice reste impunie.

Les pierres qui tremblent encore

On raconte que sa tombe se trouve sous une dalle de pierre, dans un cimetière abandonné du comté de Waterford. Les anciens du village, lorsqu’ils s’y aventurent, empilent encore des cailloux sur la dalle, pour l’alourdir. Un geste simple, transmis de génération en génération, comme une protection contre le retour de la morte.

Certains soirs, quand le vent souffle en spirale et que les chiens refusent de sortir, les gens ferment les volets plus tôt. Un murmure dit alors : « Elle est sortie ». Personne ne la voit, mais on sent sa présence. Une ombre au bord du lit. Une silhouette derrière une vitre embuée. Un parfum ancien, semblable à la fleur fanée d’un bouquet oublié.

Une vengeance qui n’a pas de fin

Dearg-Due ne tue pas pour se nourrir. Elle tue pour rétablir un équilibre brisé. Elle est la justice de celles que l’on n’écoute pas. Chaque apparition qu’on lui prête semble suivre une même logique : une femme humiliée, un amour trahi, un silence brisé. Et toujours, quelques jours plus tard, un homme retrouvé inerte, vidé de son sang, un sourire figé sur les lèvres.

Peut-être n’est-elle qu’un symbole. Peut-être est-elle l’expression surnaturelle d’un trauma collectif. Ou peut-être marche-t-elle encore, vraiment, dans les allées brumeuses d’Irlande, guettant ceux dont les gestes répètent les fautes d’autrefois.

Quand la légende devient miroir

Les mythes ne survivent pas sans raison. Ils nous parlent de nous, de nos peurs, de nos espoirs. Dearg-Due, dans sa tragédie, incarne bien plus qu’une simple créature nocturne. Elle nous rappelle les drames silencieux, les voix étouffées, les luttes que l’on pensait perdues.

Son récit n’a ni fin ni morale stricte. Il est là pour nous troubler, nous émouvoir, nous questionner. Et, peut-être, pour nous inciter à écouter davantage ceux que l’on réduit au silence.

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