
Il existe des douleurs qu’aucune radio ne détecte, des fatigues qu’aucun repos ne soulage, des vies bouleversées par une maladie que même la médecine a mis du temps à reconnaître. La fibromyalgie, bien que désormais identifiée, reste mal comprise. Le 12 mai, Journée mondiale qui lui est dédiée, est l’occasion de se pencher sur ces souffrances silencieuses. Écoutons-les. Comprenons-les.
Fibromyalgie : quand la douleur cherche ses mots
On pourrait penser que la douleur se mesure, qu’elle se voit. Mais pour des millions de personnes dans le monde, la douleur est devenue une compagne constante, invisible, imprévisible. C’est une douleur qui ne laisse ni trace visible sur la peau ni blessure dans les os. Pourtant, elle est là, lancinante, diffuse, épuisante. Elle s’insinue dans les gestes simples du quotidien, vole le sommeil, brise l’énergie, trouble la mémoire.
Cette douleur porte un nom : la fibromyalgie. Et chaque 12 mai, à l’occasion de sa journée mondiale, le monde est invité à tourner les yeux vers ces vies traversées d’épuisement, ces corps tiraillés qui, malgré tout, avancent. Cette date est bien plus qu’un simple point dans le calendrier : elle est une fenêtre ouverte sur une réalité trop souvent ignorée.
Ce que vous ne voyez pas
Dans le métro, au bureau, dans une salle d’attente, vous avez probablement déjà croisé une personne atteinte de fibromyalgie. Mais vous ne l’avez pas su. Parce que la maladie n’écrit rien sur le front. Parce qu’elle n’impose ni fauteuil roulant ni perfusion. Et pourtant, derrière ce sourire courtois ou ce regard fatigué, une bataille se joue, discrète, constante.
On parle d’un mal qui se loge dans les tissus mous, dans les fibres musculaires, dans le système nerveux, mais aussi dans la patience, la résilience, l’incompréhension. Car ce que l’on ne voit pas, bien souvent, on doute de l’existence.
Un parcours du combattant, sans fanfare
Le parcours diagnostique de la fibromyalgie est un labyrinthe. Combien de personnes ont entendu que c’était « dans leur tête » avant qu’un médecin daigne poser un mot ? Combien ont été envoyées d’un spécialiste à un autre, subissant IRM, radios, examens sanguins… pour finir par entendre : « Tout est normal » ?
Mais tout ne l’est pas. Ce « tout est normal » peut être une gifle silencieuse. Car le patient, lui, sait que quelque chose ne tourne pas rond. Et il se retrouve alors pris entre deux mondes : celui du vécu et celui de la médecine traditionnelle, encore trop peu équipée pour appréhender ce trouble dans toute sa complexité.
Entre science et scepticisme
La fibromyalgie n’est pas une invention récente. Hippocrate, déjà, décrivait des états douloureux chroniques qui n’étaient pas liés à des lésions physiques visibles. Ce n’est qu’en 1992 que l’Organisation mondiale de la santé lui a donné une légitimité, en la classant comme affection rhumatismale.
Depuis, la recherche s’est penchée sur des pistes biologiques. L’idée que le cerveau amplifierait les signaux de douleur, même en l’absence de stimuli évidents, fait son chemin. Des altérations dans la réponse du système nerveux central, des déséquilibres neurochimiques, une hypersensibilité aux stimuli sensoriels : autant de facteurs désormais envisagés. Mais le scepticisme persiste dans certains milieux médicaux. Comme si l’absence de lésion visible rendait la douleur suspecte.
Une maladie genrée, et trop souvent genrée à tort
La fibromyalgie touche environ 80 à 90 % de femmes. Ce chiffre, à lui seul, a longtemps alimenté le doute : « n’est-ce pas un trouble hystérique ? », ont osé certains. Cette croyance, malheureusement ancrée dans des siècles de médecine patriarcale, a freiné la reconnaissance de la maladie. Elle a renforcé l’idée que la douleur exprimée par une femme est exagérée, émotionnelle, dramatique.
Mais cette hypothèse est balayée par la science moderne. On commence à explorer les différences biologiques de perception de la douleur entre les sexes, à comprendre que les hormones, les structures neuronales, les réponses immunitaires ne sont pas identiques. Et surtout, on découvre peu à peu que les hommes atteints de fibromyalgie existent aussi, mais sont souvent encore moins diagnostiqués, par peur de stigmatisation.
Fatigue extrême, troubles cognitifs, anxiété : un quotidien fragmenté
Ce que l’on appelle communément « douleurs diffuses » ne saurait résumer l’expérience fibromyalgique. La fatigue, par exemple, n’est pas un simple « coup de mou ». Elle est écrasante, souvent matinale, comme si la nuit n’avait jamais eu lieu. On parle ici d’un état d’épuisement profond, comparable à celui que l’on ressent dans certaines maladies infectieuses.
Le cerveau, lui aussi, est affecté. Les patients évoquent le « fibro fog », une sorte de brouillard mental. Ils cherchent leurs mots, oublient ce qu’ils allaient faire, se perdent dans des conversations simples. À cela s’ajoutent souvent l’anxiété, la dépression, des troubles du sommeil, une intolérance aux bruits, à la lumière, aux odeurs. Et cette accumulation crée un effet domino : une spirale d’isolement, de culpabilité et de désespoir.
Travailler avec la fibromyalgie : un défi permanent
Comment expliquer à un employeur qu’aujourd’hui, vous ne pouvez pas taper sur votre clavier, ou que monter trois étages vous semble une épreuve olympique ? Comment convaincre que vous n’êtes pas paresseux, ni fragile, ni instable ? Pour beaucoup de personnes atteintes de fibromyalgie, l’emploi devient un fardeau autant qu’une nécessité.
Les absences à répétition, les jours où le corps ne suit plus, les incompréhensions des collègues… tout cela mine l’estime de soi. Certains finissent par abandonner leur carrière, par contrainte plus que par choix. D’autres s’accrochent, parfois au prix d’une santé encore plus fragilisée. Il devient urgent que les milieux professionnels comprennent et adaptent leurs attentes. Il en va de la dignité humaine.
Écoute, compréhension, accompagnement : une triade salvatrice
Vous n’êtes pas médecin, mais vous pouvez déjà faire beaucoup. Écouter sans juger. Ne pas minimiser la douleur de l’autre. Offrir votre présence, votre patience, votre ouverture. Ce sont des gestes simples qui, pourtant, réparent bien plus que vous ne l’imaginez.
Les proches de personnes atteintes de fibromyalgie jouent un rôle crucial. Leur regard, leur soutien, leur capacité à valider ce que la société ignore peuvent changer une vie. Car dans ce combat, personne ne devrait se sentir seul.
Le violet comme étendard : visibiliser autrement
Le violet, couleur de la fibromyalgie, est devenu symbole de cette lutte silencieuse. Un ruban, un vêtement, une lumière projetée sur un monument… Ces petits actes ont un impact immense. Ils disent : « Je vous vois. Je vous crois. Vous comptez. » En mai, de nombreux bâtiments à travers le monde s’illuminent de violet. Chaque lumière est un message d’espoir, de reconnaissance, de solidarité.
La Journée mondiale du 12 mai est aussi l’occasion de mobiliser les institutions. Des collectifs de patients se battent pour faire avancer la recherche, obtenir des aides, faire évoluer les classifications médicales. Cette journée est leur caisse de résonance. Il est temps qu’on les entende davantage.
Demain, un chemin vers la résilience
Vivre avec la fibromyalgie demande une force intérieure que peu soupçonnent. Cela implique d’apprivoiser son propre corps, de renoncer parfois à certaines activités, de réinventer ses routines, d’être attentif à ses signaux. C’est une leçon de résilience permanente.
Et pourtant, malgré la douleur, les patients avancent. Ils trouvent des stratégies, s’appuient sur des communautés de soutien, se forment, s’informent, et refusent d’être définis uniquement par leur maladie. Ils sont mères, pères, artistes, enseignants, travailleurs, retraités, étudiants. La fibromyalgie est une part d’eux, mais elle ne les résume pas.
Ensemble, faire du 12 mai un nouveau départ
La Journée mondiale de la fibromyalgie ne changera peut-être pas le monde. Mais elle peut changer un regard. Elle peut ouvrir une conversation. Elle peut semer une graine de compréhension. C’est un début.
Et si, cette année, vous tendiez l’oreille à celles et ceux que la douleur rend silencieux ? Et si vous partagiez un article, portiez du violet, ou simplement écoutiez sans interrompre ? Vous n’enlèverez pas leur souffrance. Mais vous leur enlèverez une part du poids de l’indifférence.
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