La Nuit des Longs Couteaux : Un tournant controversé dans l’histoire canadienne

La Nuit des Longs Couteaux : Un tournant controversé dans l'histoire canadienne
Jean Chrétien, ministre fédéral de la Justice, et Pierre Elliott Trudeau, premier ministre canadien, conférence des premiers ministres sur la Constitution, 1981. Photo: Bibliothèque et Archives Canada

Le Canada, en tant que confédération complexe, est connu de nombreux débats constitutionnels. Parmi eux, un épisode particulièrement controversé se distingue : celui de la « Nuit des Longs Couteaux », un moment clé dans le parcours du Canada vers le rapatriement de sa constitution. Cet événement, qui s’est déroulé dans la nuit du 4 au 5 novembre 1981, reste gravé dans la mémoire collective, notamment au Québec, où il est vu par beaucoup comme une trahison.

Contexte : Le désir de rapatriement

Avant d’entrer dans le vif du sujet, il est crucial de comprendre le contexte qui a mené à cette nuit mémorable. Depuis la création du Canada en 1867, la constitution du pays (l’Acte de l’Amérique du Nord britannique) était une loi britannique. Bien que le Canada soit devenu de facto indépendant, sa constitution demeurait entre les mains du Royaume-Uni. Plusieurs gouvernements canadiens avaient tenté, sans succès, de rapatrier cette constitution, c’est-à-dire de la ramener au Canada et de l’amender sans l’intervention britannique.

Le rapatriement était important pour de nombreuses raisons, notamment symboliques, mais il s’accompagnait d’un défi majeur : comment amender la constitution une fois qu’elle serait au Canada ? Les provinces et le gouvernement fédéral ne parvenaient pas à s’entendre sur un mécanisme de modification.

Les conférences constitutionnelles

Quand Pierre Elliott Trudeau est revenu au pouvoir en 1980, il a fait du rapatriement de la constitution une priorité. Pour ce faire, il a entamé des négociations avec les provinces. Plusieurs conférences constitutionnelles ont été organisées, et de nombreux sujets ont été abordés, notamment la question des droits linguistiques, des droits autochtones et du mécanisme d’amendement.

Ces conférences, malgré leur importance, n’ont pas réussi à produire un consensus. À l’automne 1981, il semblait que le projet de Trudeau allait échouer.

La Nuit des Longs Couteaux

Le point culminant de ces négociations a eu lieu à Ottawa en novembre 1981. Après des jours de discussions stériles, un revirement majeur s’est produit dans la nuit du 4 au 5 novembre.

Les premiers ministres des neuf provinces, à l’exclusion du Québec, se sont réunis en secret avec le ministre fédéral de la Justice, Jean Chrétien, pour discuter d’un compromis. Cette rencontre à propos d’un accord sur la formule d’amendement et sur les droits linguistiques.

Le lendemain matin, lorsque René Lévesque, le premier ministre du Québec, a appris la nouvelle, il a été pris de court. Le Québec n’avait pas été inclus dans ces négociations de dernière minute. Lévesque s’est senti trahi, estimant que les autres provinces et le gouvernement fédéral s’étaient alliés contre le Québec.

Conséquences et interprétations

La perception de cette nuit varie selon la perspective. Pour certains, il s’agissait d’une démarche nécessaire pour débloquer le processus constitutionnel. Pour d’autres, en particulier au Québec, c’était une trahison pure et simple.

L’accord conclu cette nuit-là a été la base de la nouvelle Loi constitutionnelle de 1982, qui comprend également la Charte canadienne des droits et libertés. La constitution a été rapatriée sans le consentement du Québec, ce qui a laissé des cicatrices durables dans la relation entre le Québec et le reste du Canada.

La « Nuit des Longs Couteaux » est devenue un symbole du désenchantement du Québec à l’égard du fédéralisme canadien. Elle a renforcé le sentiment parmi de nombreux Québécois que leurs intérêts ne peuvent pas être garantis au sein du Canada. Cette perception a alimenté les mouvements souverainistes et a influencé la politique québécoise pendant des décennies.

Évaluation historique

Avec le recul, de nombreux historiens considèrent que cette nuit était à la fois un moment de réalisme politique et un moment de profonde division. D’une part, l’accord a permis de rapatrier la constitution et d’incorporer la Charte, considéré par beaucoup comme un document fondamental qui a une influence profonde sur la nature du Canada. D’autre part, l’exclusion du Québec a accentué les tensions et les divisions.

Il est également à noter que, malgré la perception de « trahison », plusieurs provinces étaient également mécontentes de divers aspects de l’accord, bien que leur mécontentement ait été éclipsé par la réaction du Québec.

Conclusion

La « Nuit des Longs Couteaux » reste un moment controversé dans l’histoire canadienne. Elle rappelle les défis inhérents à la gestion d’un pays aussi vaste et diversifié que le Canada. Les tensions entre les intérêts provinciaux et fédéraux, ainsi qu’entre le Québec et le reste du Canada, ont été mises en évidence cette nuit-là.

Tout en reconnaissant les avancées que l’accord a permises, il est essentiel de comprendre les blessures qu’il a infligées. La nuit a laissé un héritage mixte, illustrant à la fois les possibilités et les pièges du fédéralisme canadien.

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